« Moi la féministe affirmée, j’observais mon propre corps en photo comme on traque l’animal dans une battue. » Clem

« Hier nous avons visionné nos photos, ton art, mon corps. Nous avons ri de mon esprit critique. « J’aurais dû cambrer » ai-je lancé ironique. « A quoi cela aurait servi  » m’as-tu répliqué.
C’est vrai, à quoi cela aurait bien pu servir ? À le mettre en valeur ? Mais ça veut dire quoi, le mettre en valeur ? Par rapport à qui ? À quoi ? Sur quels critères ?
 
Moi la féministe affirmée, j’observais mon propre corps en photo comme on traque l’animal dans une battue.

Être lisse, chasser l’aspérité, pourquoi cela serait-il plus « beau » alors que c’est surtout plus faux. Comment puis-je être autant incohérente avec mes propres valeurs d’authenticité et de corps libérés. Où se trouve ma vision de la beauté ?
 
Rentrer le ventre, cambrer le dos, où est passé la beauté du corps en mouvement, simplement en mouvement ? Oui parce qu’il sert à rire, à danser, à sauter, à réaliser nos projets, à ressentir des émotions, il n’est pas fait pour trôner dans une vitrine, il n’est pas un objet. A quoi servent ces poses médiatisées, toutes copiées /collées ? A qui sont-elles réellement destinées ?
 
Si se mettre à nu peut nous permettre de gagner en estime de nous-mêmes, n’est-ce pas contradictoire que de prendre une pose qui ne valorisera pas notre véritable corps, mais nous poussera simplement à tenter de ressembler à celui des autres ? Celles que nous avons appris à aimer car ce sont les uniques modèles que nous ayons eus. Reproduire cette position, c’est perpétuer cette manière de penser, c’est participer encore et encore à dévoiler un corps qui n’est pas réellement le mien. Que deviens ma propre estime, si même nue, je ne suis pas véritablement, moi ?

Merci pour cet exercice. »

Clem souhaitait des photos où elle se sentirait belle, sexy mais sans que ce soit sexualisé. (C’est quoi, une photo sexualisée ? Vous avez forcément des images en tête !) Nous avons beaucoup échangé sur l’impact de voir si souvent ces photos « sexy », où les modèles posent de manière très cambrées dont le seul but est de rentrer dans un moule où il n’existe ni petit bidon, ni cellulite, ni gramme de chair qui ne soit pas impeccablement proportionné. Une objectivisation qui doit répondre à un regard masculin. En échangeant avec Clem, elle s’est rendu compte que son regard était très fortement influencé par ces photos-là, qu’elle comparait son corps avec ce qu’elle avait l’habitude de voir et que, forcément, il y avait un décalage (parfois sur des détails que moi-même je ne voyais pas !). Elle qui est féministe, dont les étagères regorgent d’autrices engagées, elle s’est rendue compte à quel point, quand il s’agit de soi, nos convictions peuvent vite s’effondrer. A la suite de la séance photo, elle m’a écrit ce texte sur l’impossibilité d’être réellement soi-même si on ne cherche qu’à ressembler à des archétypes inatteignables. Elle m’a autorisée à le publier (avec ses photos « anonymisées » !), peut-être, vous parlera-t-il !

Et parce qu’elle fourmillait d’idée, elle souhaitait terminer la séance en faisant quelques photos sous la douche !

Merci Clém pour ta confiance et tes réflexions !